Être accessible c’est se poser tout un tas de ques- tions pour s’assurer que nos éditions excluent le moins de monde possible tout en ayant conscience que nous n’avons pas les moyens de BFM TV et que l’imprimé, par essence, ne pourra jamais être tota- lement accessible. Nous réfléchissons à deux types d’accessibilité : visuelle et financière.

L’accessibilité visuelle

Il existe des techniques de base pour s’assurer que les contenus créés ne seront pas excluants d’office, en voici quelques-unes.

• →  La gestion des couleurs : les couleurs trop criardes ou fluo sont à éviter et un contraste suffisamment marqué entre le fond et le texte est important. Astuce : pour vérifier que vos couleurs sont suffisamment contrastées, passez votre visuel en noir et blanc. S’il devient illisible, c’est qu’il faut le modifier !

• →  Le choix des typographies : afin de conserver l’attention des lecteur·ices, les typographies cur- sives ou fantaisie sont à réserver pour les titres. Pour la taille de police, l’idéal est de faire un test d’impression pour les corps de textes afin de s’assurer de sa lisibilité car leur taille peut varier en fonction de la typographie.

• →  Les marges : d’expérience, il est difficile de lire quand les textes ont peu de marge et occupent tout l’espace d’une page. Les espaces de respira- tion sont importants pour permettre aux textes d’être plus lisibles.

En ce qui concerne les questions liées à l’accessibi- lité et au design typographique, il est essentiel de souligner le remarquable travail de la chercheuse et graphiste Sophie Vela. Dans sa publication in- titulée Avez-vous pensé aux marges ?, elle explore de manière approfondie les lacunes potentielles de l’écriture inclusive, qui concerne notamment les personnes souffrant de troubles cognitifs affectant la lecture, tels que la dyslexie. Son but : concilier harmonieusement accessibilité et inclusivité. « La critique principale faite à ces caractères est leur manque de lisibilité, leurs formes trop étranges et n’évoquant rien de ce que l’on est habituées à lire. Lorsque j’ai rencontré H. Alix Mourrier, notre dis- cussion autour de la lisibilité des caractères non-bi- naires nous a menées à une réflexion : les personnes queers ne sont-elles pas, elles-mêmes, “illisibles” ? » Elle note par exemple l’existence de la fonte inclu- sive OpenDyslexic 1 et de choix qui permettent de faciliter la lecture, mais souligne en même temps que la manière que nous avons d’apprendre à lire est culturelle, et que les points médians, glyphes et autres dispositifs pour rendre nos textes plus inclu- sifs n’ont pas de raison de perturber la lecture, car tout s’apprend. « Si on s’intéresse aux mécanismes de lecture des yeux, on constate que, lorsque nous lisons, nous ne nous attardons non pas sur chaque signe mais bien sur des ensembles de lettres dont nous déduisons le sens. » Elle cite l’exemple de l’esperluette (&) que nous comprenons sans qu’il y ait de lettre e ni de t, ou encore le fait que nous ayons appris la fonction du trait d’union, comme nous pouvons comprendre celle du point médian.

L’accessibilité financière

D’autre part, nous considérons l’accessibilité d’un point de vue financier, avec cette réflexion cen- trale : Si je produis un magazine indépendant, aux contenus rares, féministes, de qualité, avec de beaux papiers et qu’ainsi je lui fixe le prix de vingt euros, que puis-je faire pour que les plus précaires puissent l’avoir entre les mains ? L’approche féministe passe aussi par cela : vendre un magazine trop cher n’a pas de sens car il ne ciblerait que des personnes pri- vilégiées – le vendre « à perte » n’en aurait pas non plus car il ne permettrait pas de rémunérer les ar- tistes ayant contribué. Pour pallier ce problème, il peut y avoir plusieurs options.

• →  Encourager les bibliothèques publiques ou les écoles d’art à acheter vos éditions, qui se- ront alors consultables et empruntables par tous·tes.

• →  Mettre en place un système de « magazines suspendus », système qui consiste à payer pour un exemplaire et ainsi permettre à une personne d’en bénéficier gratuitement.

• →  Publier certains contenus en ligne : c’est ainsi que nous publions régulièrement les interviews que nous considérons comme importantes dans notre newsletter. Voir : Newsletter.

• →  Déposer dans des boîtes à livre ou locaux associatifs les éditions qui sont endomma- gées et que nous ne pouvons plus mettre en vente.

• → Diffuser les fichiers PDF gratuitement. Les éditions Burn~Août proposent sur leur site internet de télécharger gratuitement leurs éditions, qui sont parallèlement vendues en librairie. C’est également le cas de Gender- Fail, association queer basée dans le Queens à New York, que nous citons plusieurs fois dans ce livre et qui fait un énorme travail d’archivage et de transmission des connais- sances, aussi bien pratiques que politiques, autour de l’édition.

Tout commence par une idée. Peut-être voulez-vous créer une entreprise. Peut-être voulez-vous donner une nouvelle dimension à un passe-temps.