Clémentine Labrosse Clémentine Labrosse

DÉSIRER LE MONDE AVEC MYRIAM BAHAFFOU

Écoféminisme, désir et révolte : éropolitiser la lutte pour repenser le vivant.

Peut-on faire de l’érotisme une force politique écologique ? Censored Online vous propose de traverser le creux de l’été avec Myriam Bahaffou, chercheuse en philosophie et militante écoféministe décoloniale. Dans son nouvel essai Éropolitique - Écoféminismes, désirs et révolution (éd. Le Passager clandestin), elle ravive la place de l’érotisme et du plaisir dans les luttes, en les inscrivant dans une réflexion écologique, décoloniale et queer. Loin des injonctions à l’épanouissement individuel et des récits fantasmés de l’amour libre, elle propose une ouverture sensible et collective sur le monde. L’éropolitique nous rappelle alors que la puissance désirante est le moteur de toute action révolutionnaire. Avec Myriam Bahaffou, il ne s’agit pas de penser sur, mais depuis les affects, les chairs, les milieux, les zones troubles et fertiles où se croisent animalité, écologie et révolte. Dans cette perspective, elle rappelle que nous ne sommes pas séparé·es de la nature : nous en faisons partie, avec elle nous partageons une condition commune. Entretien.

Myriam Bahaffou par Solal Moisan

Au début de ton essai, tu expliques vouloir volontairement minimiser le vocabulaire sexuel et la libido freudienne, ayant largement contribué à paralyser la pensée éropolitique. Tu expliques que tout est assez systématiquement ramené au génital, ou l’objet de déformations (je pense ici aussi au passage sur la zoophilie, que tu redéfinis plus simplement comme “l’amour des animaux” sans connotation sexuelle). Pourrais-tu expliquer la différence entre désir-conquête et éropolitique ?

Premièrement, je ne voudrais pas rendre Freud responsable de toute la restriction de l’érotique au sexuel. Je dis simplement qu’aborder le désir semble aujourd’hui devoir se faire exclusivement par le truchement de la psychanalyse, qui est non pas un élargissement mais une réduction de ce que j’entends par désir, puisque je lui donne aussi un sens politique, c’est à dire “systémique”, et de fait, qui a tout à voir avec l’organisation sociale et matérielle de la race, du genre, du handicap, de la classe (d’où le terme éropolitique). Sans d’ailleurs parler des biais patriarcaux ou racistes de la psychanalyse - que des queerféministes et antiracistes commencent à mettre au jour depuis plusieurs années, certains avec beaucoup de justesse (je pense au travail de Thamy Ayouch par exemple). Bien évidemment, c’est la société patriarcale comme on la connaît qui a réduit de manière si drastique le champ de l’érotique à la sexualité génitale, qui plus est hétéro et privée. Tout ce qui était en dehors de ça s’est vu taxé dé déviance, et aujourd’hui plus que jamais. En même temps, le transgressif a progressivement été considéré comme particulièrement excitant dans la société bourgeoise, faite de civilités et de restrictions. C’est parce que la sexualité a tellement été construite sur ces (fausses) lignes (animalité, dé-civilisation, folie) que tout ce qui est dangereux, interdit, et violent est érotisé au plus haut point, et ça culmine dans la culture du viol et la prédation sexuelle envers les corps racisés. Et c’est précisément ça que j’appelle désir-conquête, et qui dépasse largement la sexualité : notre définition du désir repose sur ce triptyque manque/possession/accumulation. On le voit dans le capitalisme, le colonialisme, et l’hétéropatriarcat, où les corps (y compris le nôtre) sont des objets de conquête, de propriété, de contrôle. Vu que ta question aborde la zoophilie (et c’est probablement une des parties les plus polémiques de mon livre, donc je comprends l’intérêt), il me faut clarifier d’emblée que je défends le consentement animal (je me positionne ainsi contre celleux qui affirment que des animaux autres qu’humains sont par nature incapables de consentir), mais je refuse l’idée qu’un désir ou un amour des animaux (ce que zoo-philia signifie, littéralement) est nécessairement à ranger du côté de la sexualité déviante et/ou du viol. Je veux aussi attirer l’attention sur la façon dont la “zoophilie” (qu’il convient plutôt d’appeler zoosexualité ou bestialité, comme en anglais) a toujours historiquement été associée à d’autre pratiques qui concernaient des minorités déviantes, les homosexuel·les en particulier ainsi que les sorcières pendant leur féminicide de masse (aujourd’hui encore, la sodomie est souvent perçue comme un acte animal avant tout). La zoophilie comme je l’entends, c’est s’autoriser à éprouver du désir animal, c’est à dire qui n’a pas besoin du socle humaniste pour se rendre lisible, et qui donc ne s’exprime pas dans les limites du genre, de la race ou de l’espèce. Je m'appuie notamment sur la figure de la chienne développée par Itziar Ziga, une penseuse qui m’a énormément nourrie dans la construction de mon éropolitique ; à la différence que j’y ajoute une proposition écologique solide. Non seulement le désir et le plaisir n’ont pas à être confinés au sexe, mais surtout, aucune lutte ne se fait sans désirer le monde. Pas au sens métaphorique, mais concret et viscéral ; désirer les formes de vie autour de nous et chérir la biodiversité est un impératif moral qui ne s’enracine pas uniquement dans la logique mais bien aussi dans les affects. Je crois que c’est particulièrement parlant en ce moment, où le fascisme globalisé est en train d’éteindre un monde devant nos yeux, où le gouvernement d’Israël en complicité avec les nôtres anéantit un pays et essaie de faire taire une civilisation entière. L’éropolitique dans cette perspective n’est pas “juste” de la joie militante, c’est retrouver une puissance à l’idée de perpétuer la vie autour de nous, à lutter et à faire de l’écologie un enjeu principalement érotique, relationnel, pour maintenir et accroître la diversité des mondes dans le monde.


“Non seulement le désir et le plaisir n’ont pas à être confinés au sexe, mais surtout, aucune lutte ne se fait sans désirer le monde.”


Éropolitique - Écoféminismes, désirs et révolution

“Trash, vulgaires petasse, sophistiquée, femme fatale ou babygirl, bimbo ou housewife, j’ai circulé entre elles comme entre les wagons d’un train, tantôt en premier ou seconde classe, et parfois même en passagère clandestine”. Tu ravives des figures souvent disqualifiées : bimbo, TDS, chienne, housewife, créature non-humaine - en mettant particulièrement l’accent sur ton vécu et l’hyperféminité. Qu’est-ce qu’on gagne à penser politiquement avec celles qui ont toujours été exclues, ridiculisées ou jugées too much ?

Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas vraiment ce qu’on “gagne”, je sais plutôt ce qu’on perd à ne pas les intégrer. De fait, les hyperfems ont une histoire compliquée vis à vis de leur genre, mais c’est principalement une histoire d’affirmation, de bataille jamais complètement gagnée, une histoire qui saute aux yeux et qui met mal à l’aise, précisément parce qu’elle rend visible toute la construction, tout le travail derrière l'expression de genre qu’iels dénaturalisent sous nos yeux. Je crois surtout que - pour les hyperfems en tous cas - le reste renvoie à trop de catégories dont il faudrait un paragraphe sur chacune - on se prive d’un point de vue sur le désir, le plaisir et le sexe qui me semblent essentielles à tout espace de lutte, et que répéter l’érotophobie qui caractérise si bien nos sociétés hétéropatriarcales (où les hommes haïssent ce qu’ils désirent le plus), c’est se tirer une balle dans le pied pour tout projet d’émancipation. Et j’aimerais savoir ce que “too much” signifie exactement, too much par rapport à quoi ? À une norme blanche qui vit ses émotions sur le mode de la régulation, du catalogue froid et distancié à grands coups de “psychologie féministe” ? Too much en termes de volume sonore, de couleur des vêtements ? Le too much n’est jamais too much en soi, c’est une exclusion progressive de ce qui devient suspect selon une norme, elle-même dictée par les dominant·es. Évidemment, le “too much” est souvent non blanc, non cis, non hétéro, non valide. On a l’habitude, d’être les folles de service. Et ma proposition est justement de puiser dans cette in-adaptabilité au monde pour construire une proposition politique, hors des enjeux de reconnaissance et de dignité.

“Humaniser autrui, voilà une aspiration politique obsolète et on ne peut-plus anti-écologique, dont l’échec, tout comme celui de l’humanisme, est accablant sous le capitalisme patriarcal et colonial.” Tu travailles une critique radicale de l’humanisme : cesser de penser l’humain comme unique mesure de valeur, penser avec et non au-dessus, des autres espèces, embrasser notre animalité plutôt que la fuir. 

Je travaille dans ma thèse à partir du posthumanisme et des théories décoloniales, qui sont tous les deux des cadres théoriques qui critiquent frontalement l’idée de l’humanisme comme système de valeur pertinent politiquement. Cette critique de l’humanisme est développée dans mon précédent livre, Les Paillettes sur le compost et bien avant dans mon travail académique. Elle vient aussi de mon antispécisme : aucun intérêt de défendre la “cause animale” si c’est pour préserver notre béatitude devant “l’exceptionnalité” humaine : mon antispécisme se loge dans une critique de l’humanisme en premier lieu. Et écologiquement, l’urgence est encore plus palpable : si nous considérons réellement l’interdépendance, la relationnalité, comme les écoféministes le font, alors nous n’avons pas le choix que de critiquer l’humanisme, qui est justement une idéologie de l’autonomie, la liberté individuelle, poussée à son paroxysme dans le transhumanisme. Dans ce que j’étudie, je montre comment “l’humain” est une construction tout à fait coloniale et spéciste : ont été désigné·es humain·es une minorité très restreinte d’entre nous, et la catégorie d’animal a joué un rôle essentiellement négatif ; sont animal·es celleux qui sont déchu·es de l’humanité. En fait c’est la césure même entre humain et non humain, nature et culture, qu’il me paraît essentielle de questionner (comme l’ont fait un grand nombre de philosophes décoloniaux, féministes  ou en écologie politique). Disons que ma manière à moi de remettre en question l’existence même de cette césure, sa pertinence et ses conséquences politiques, c’est de m’attacher l’animalité, comme l’a fait la philosophe Sylvia Wynter pour comprendre la condition noire. Ça signifie qu’être antispéciste revient forcément à prendre au sérieux notre propre animalité, et la façon dont cette dernière a été construite sur des lignes coloniales. Et la question de la souffrance animale rend la question encore plus pressante ; pas parce que les véganes seraient de naïfs êtres qui refusent la mort, mais parce que considérer que la mort est la norme, la base d’un “vivre-ensemble”, est catastrophique. J’ai l’exigence éthique de me dire qu’on peut faire mieux qu’accepter de vivre dans un système nécrophile qui a pour base économique et sociale la mise à mort . Et au lieu d’être taxé·es de naiveté, je pense qu’on devrait ici reconnaître toute la puissance d’une telle proposition, qui s’ancre encore une fois dans un désir du monde, qui, s’il est forcément traversé de violence, ne devrait jamais l’institutionnaliser et en faire une norme.


“L’humain” est une construction tout à fait coloniale et spéciste : ont été désigné·es humain·es une minorité très restreinte d’entre nous, et la catégorie d’animal a joué un rôle essentiellement négatif ; sont animal·es celleux qui sont déchu·es de l’humanité.


Tu écris que la gauche écologiste ou les sphères militantes ont déserté le plaisir, et que cette culture du sacrifice nous prive d’un rapport sensuel au monde. Pourquoi, selon toi, cette méfiance vis-à-vis du luxe, du soin de soi ou du raffinement ?

Je fais ce constat à partir de deux “parties” de la gauche : l’écologie et le féminisme. Ces deux espaces ont mis de côté la question du désir, ou plutôt canalisé uniquement dans “la lutte” parce que le capitalisme et le patriarcat en ont fait les moteurs de leur systèmes. L’hétéropatriarcat suinte de désir, on a que ça aux oreilles, la “crise de la masculinité”, les mâles alphas en perdition, etc etc ; et du côté du capitalisme, le désir est entièrement tourné vers la consommation, nous sommes des machines à bouffer et acheter. Du coup, ça fait sens qu’on ne trouve pas grand chose de désirant dans ces espaces, hormis la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ou la sobriété volontaire. Mais c’est précisément là où ça me pose un problème, parce qu’on fait comme si on pouvait se “purifier” de nos désirs, ou les mettre de côté. Or, je crois que la force des mouvements révolutionnaires, en particulier queers, c’est d’avoir su ne jamais mettre sous le tapis la question du désir, la place du corps, de son débordement des cadres.

Tu réinvestis des terrains que le capitalisme, y compris le féminisme néolibéral, ont vidés de leur substance : le care, l’animalité, l’ultraféminité, la jalousie. Là où d’autres rejettent ou caricaturent, tu nuances, réconcilies, sans diluer. Je trouve que tu proposes une pensée complexe mais jamais accablante, qui ne cherche pas à culpabiliser mais à ouvrir des possibles. Est-ce que cette manière de “dire les termes” sans condamner est une posture politique délibérée ? Et comment trouves-tu cet équilibre entre critique radicale et accueil des contradictions ?

C’est une posture politique délibérée au sens où j’essaie de lui donner le maximum d’intentionnalité, de présence, mais elle n’est pas délibérée au sens de “choisie”, comme si il y avait eu au préalable une prise de décision raisonnée. Je suis née le cul entre mille chaises et j’ai choisi d’habiter le vide, ou plutôt les interstices entre ces chaises. Je crois que ça donne à la pensée en général une incroyable vitalité, une flexibilité et une adaptabilité qui ont fait, par exemple, des Paillettes sur le compost un ouvrage qui a pu traverser plein de milieux, tout en ne perdant rien de sa radicalité. Mais en même temps, bien sûr c’est dangereux. C’est dangereux parce que je ne joue pas sur le registre de l’affirmation et de la présence, mais plutôt sur les lignes de fuite et les “oui mais”... À chaque fois, je suis un peu l’avocate du diable, et ce n’est pas rhétorique, c’est vraiment pour montrer que rien n’est jamais gagné, rien n’est jamais acquis, qu’il y a toujours des angles morts. Je crois que j’ai beaucoup ce rapport-là avec le milieu militant, mais je le dis souvent, c’est aussi un acte d’amour que de s’engager sur un tel terrain avec quelqu’un·e. La culpabilité est probablement la chose la plus paresseuse aujourd’hui, et je pense évidemment à ce qu’on appelle “culpabilité blanche”, où tout le monde se bouscule pour être de bon.nes allié.es antiracistes mais dès que l’on ose pointer quelque chose qui ne va pas, on a l’impression de les avoir condamné·es pour la vie, et le mot de “racisme” devient juste inentendable. À côté de ça, le best-seller féministe de l’année s’appelle Résister à la culpabilisation, comme si c’était, tout à coup, le phénomène psychologique le plus accablant à l’échelle de la société. Au contraire, on ne parle pas de racisme décomplexé ou de banalisation des idées de l’extrême droite pour rien : il y a une injonction à la haine et une déculpabilisation ambiante, bien plus symptomatiques de nos sociétés. On peut désormais affirmer à la télévision que le mot “nazi” devrait être réhabilité ou que les musulman·es sont responsables de tous les maux. Bien au contraire, l’heure est à la déculpabilisation extrême, l’idée qu’on peut se montrer dans toutes ses horreurs et ses pulsions destructrices. Alors comme d’habitude, je suis dans une posture qui refuse les deux options : ni culpabilisation qui paralyse l’action et individualise la faute, ni “déculpabilisation” comme si l'impératif c’était de se sentir bien, ou libre. 

“La nature est pétrie d’érotisme et nous vivons des expériences écosexuelles tous les jours. Quand je déguste une pêche juteuse, quand je sens les rayons du soleil me caresser voire me brûler le dos, quand je trempe ma jambe dans l’eau glacée, quand j’ai froid. Le corps sue ou frisonne, la peau de hérisse, les lèvres salivent ; toutes ces manifestations corporelles, on jurerait que c’est du désir.” Pourquoi y a t-il une résistance à voir les choses ainsi ?

Là encore, c’est l’hégémonie du désir-conquête qui en est la cause. Ça m’a pris des années pour conscientiser l’érotisme dans mes expériences de vie quotidiennes (et pas seulement au sexe) de le reconnaître, d’en jouir, de le partager. J’ai dû faire ça contre des injonctions constantes pour considérer le monde qui m’entourait comme des choses dépourvues de valeur ; c’est bien ce qu’on voulu pointer les éthiciennes féministes quand elles ont politisé le mot care, au sens de  l’attention. Porter attention à, c’est vivifier ce qui m’entoure et déplacer la perception que j’en ai, non pas comme un environnement, mais comme autant d’occasions d’entrer en relation avec lui, pas en tant qu’humaine surplombante, mais en tant que partie de ce réseau, de ce tissu relationnel. Et rien que ça, c’est jouissif. Là, il y a une promesse écologique révolutionnaire, et ce livre en est une tentative de théorisation. Mais qui ne vaut rien sans la partie charnelle, expérientielle, justement développée à la fin.

La troisième partie de ton livre est intitulée “L’expérience au cœur de l’éropolitique” - rappelant que nos savoirs, notre agentivité et visions du monde de construisent à partir de nos expériences sensibles. Avons-nous tout simplement oublié que nous étions des corps ?

J’ai du mal à répondre à cette question, ou plutôt je crois qu’il existe deux réalités paradoxales qui cohabitent ; d’un côté, je crois en effet que nous vivons dans un monde dés-encorporé, où nous nous transformons en entités numériques, en flux virtuels ou en entités hors sol qui circulons comme du pur mouvement, toujours pro-jetés dans l’après et jamais pleinement présent·es, au rythme du capitalisme néolibéral. De l’autre, nous ne sommes que des corps : des corps sur-exposés, botoxés, affamés ou sur-nourris, tirés à quatre épingles et scrutés sous tous les angles sur les réseaux. Peut-être, finalement, que nous n’avons jamais été autant des corps, rien que des corps, dont il faut se préoccuper constamment, en contrôlant le nombre d’heures de sommeil par nuit et de pas par jour, ses calories et son activité physique. Si bien que ces corps sont mesurés, chronométrés, médicamentés, saturés de douleur et de plaisir que l’on souhaite contrôler au maximum individuellement. Et justement, là-dedans le désir ne peut émerger que sous la forme d’une fuite, d’un soulagement, d’une sortie de cet enfer du contrôle. Je crois donc que nous gagnerions en effet à reprendre l’érotisme comme une manière d’habiter non pas simplement nos corps mais le monde et autrui (d’où la partie sur le consentement et l’éthique de l’inattendu), à être en capacité d’écoute et à se laisser pénétrer par lui, au lieu de vouloir tout tenir et régler les conditions même de la rencontre. Le propre de la rencontre est le dépassement de la limite : je n’expérimente vraiment que ce qui me dépasse. De fait, ma vie n’est pas un ensemble de paramètres à régler cliniquement pour attendre un résultat, mais plutôt la mise en place de conditions qui font que je peux être bousculé·e, sans cesse. Et cela requiert un travail perpétuel. J’affirme que ce travail est écologique, dans la mesure où il nous branche à d'autres êtres, d’autres forces, qui nous forcent à accepter notre finitude. Car peut être, et je terminerai ici, que le véritable refus du corps se joue dans la négation de sa finitude. Et c'est là une intersection des luttes antivalidistes avec les celles écologistes, de réinvestir la limite, la contrainte, le vieillissement, et la mort ; la tâche politique qui nous incombe est désormais de construire des sociétés à même de prendre en charge ces enjeux, ce qui est loin d'être le cas, nous qui baignons dans des mythes de transcendance et d'autonomie absolue. Tant que nous ne nous attellerons pas à cette tâche, celle de prendre en charge, reconnaître, assumer nos limites, nous ne pourrons désirer qu’en niant cette dimension de nous-mêmes et du monde, et reproduirons constamment la conquête dans le désir...

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Clémentine Labrosse Clémentine Labrosse

VOIX MÉDIUMNIQUES ET COSMOLOGIES LITTÉRAIRES

Du mysticisme médiéval à l’écriture automatique, du spiritisme à l’écriture postcoloniale, queer et féministe, cet article explore la manière dont les écritures peuvent fracturer l’image de l’écrivain·e comme centre souverain.

Tout a commencé par cette idée assez simple : écrire un article à propos des artistes et écrivain·es qui, dans l’histoire, se sont laissé·es guider par des voix médiumniques. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Tirer le fil de ce sujet s’est révélé bien plus vaste, m’amenant à vouloir parler de toutes les voix qui se trouvent derrière une seule. Cet article explore alors la manière dont certaines écritures - médiumniques, viscérales, marginales - déjouent l’image de l’écrivain·e comme centre souverain. Du mysticisme médiéval à l’écriture automatique, du spiritisme à l’écriture postcoloniale et féministe, il est question de fracturer l'idée d'un “je” maître de son discours et pour révéler des formes de subjectivité traversée, possédée, déplacée. Une réflexion sur le pouvoir d’écrire en tant qu’être situé·e, quand sa pratique n’est plus verticale mais spirale, multiple ou spectral. Le “je” est plusieurs, et il y a des enjeux politiques à le rendre visible.

Hildegarde recevant l'inspiration divine, enluminure du Scivias.

La mystique comme matrice 

J’aimerais commencer en parlant d’Hildegarde de Bingen (1098-1179), que vous connaissez peut-être déjà comme figure religieuse. Elle connaît tout des plantes, de la musique, des corps et de leurs maux. Dès l’enfance, elle reçoit des visions qu’elle décrira plus tard comme une "lumière vivante". Elle affirme ne rien inventer : elle ne fait que transcrire ce que Dieu lui montre. Le XIIe siècle est en pleine effervescence religieuse : des réformes monastiques, croisades, tensions entre l’empire et la papauté. Et voilà qu’une femme recluse depuis l’âge de huit ans, s’impose comme autorité spirituelle, échangeant des lettres avec des papes, des empereurs, et des intellectuels de toute l’Europe. Elle n’était pas une marginale, probablement parce que lettrée. Dans ce contexte naît Scivias, son œuvre monumentale, alors qu’Hildegarde de Bingen est enfin autorisée à mettre par écrit les visions qu’elle reçoit depuis des décennies. Scivias mêle textes théologiques, exhortations morales, et surtout descriptions minutieuses de ses visions, accompagnées d’illustrations réalisées par ses moniales : des mandalas médiévaux où cosmos, Église et âme humaine s’imbriquent. Il ne s’agit pas de simples rêveries mystiques : Hildegarde y développe une cosmologie complète, une vision du monde où tout - les étoiles, les “humeurs du corps”, la vertu, le péché - est relié. Si Hildegarde de Bingen fait partie de mon panthéon personnel, c’est parce qu’elle s’est autorisée à croire en ses visions et à ne pas les renier, dans un monde gouverné par la raison masculine et l’autorité ecclésiastique. 

En mai dernier paraissait aux éditions MagiCité un ouvrage qui a particulièrement retenu mon attention : Les voix invisibles. Médiumnité féminine ou le pouvoir d’écrire, de Stéphanie Peel. Chercheuse indépendante intéressée par les champs ésotériques, l’autrice explore l’essor du spiritisme en France au XIXe siècle, tout en mettant en lumière comment ces courants (spiritisme, théosophie, occultisme) ont offert aux femmes de l’époque des espaces d’expression à travers l’écriture. Le livre est préfacé par Nicole Edelman, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université Paris Nanterre, qui a été la première à travailler sur la question du féminisme et du spiritisme. Stéphanie Peel demande : Vestales, druidesses, sorcières, médiums - les figures féminines sont-elles des intermédiaires privilégiées entre les mondes visibles et invisibles ? Au départ, c’est une histoire de femme et de coups frappés”, rappelle aussi Philippe Baudouin dans un documentaire France Culture. Le spiritisme aurait en effet vu le jour en 1848 dans un cottage à New York, où deux fillettes de la famille Fox, entendent des coups sur les murs. Elles imaginent un langage par coups frappés, en s’inspirant du code morse. Le spiritisme tel qu'on le connaît aujourd'hui est un mouvement occidental, né au XIXe siècle en Europe et en Amérique du Nord, avec des racines en particulier en France, aux États-Unis et au Brésil. Stéphanie Peel rappelle que l’avènement de la médiumnité coïncide avec l’expansion de la presse écrite et la multiplication d’imprimés signés par des femmes. Au-delà de l’historique qui en est fait, le livre permet de comprendre tout le pouvoir qu’ont pu représenter leurs écrits, d’une part pour leur permettre d’accéder à une notoriété publique, d’autre part dans la réécriture du passé, avec un rôle historiographique occulte, dans l’écriture de contre-histoires, comme l’atteste cet exemple à propos de la vie de Jeanne d’Arc par Ermance Dufaux : 

Les médiums ont également pu participer à une première vague de réécritures du passé. En effet, à une période où s’érige une discipline historique basée sur des faits, certaines de ces femmes médiums utilisent leur plume pour offrir à leur façon un contre-récit à l’Histoire officielle. C’est le cas d’Ermance Dufaux, scribe prolifique qui, dès le début des années 1850, commence à publier des livres comme Jeanne d’Arc par elle-même (1855), ouvrage autobiographique « dicté » par l’héroïne nationale à la jeune fille de 14 ans. Les livres de Dufaux deviennent de véritables bestsellers durant un Second Empire féru de mythes originels. 

La profusion d’écrits médiumniques sème le trouble : qui parle, qu’est-ce qui est vrai, faux ? Ne s’agit-il que d'œuvres irrationnelles de l’esprit ? Leur véracité peut-elle être démontrée dans la bénédiction d’une rationalité patriarcale ? Ce qui m’intéresse, c’est moins de savoir si ces textes disent "vrai", que d’écouter ce qu’ils soulèvent en fissurant les frontières entre auteur et autorité, fiction et révélation, sujet et support.

Les voix invisibles, - médiumnité féminine ou le pouvoir d’écrire, par Stéphanie Peel, éd. MagiCité

La question de l’agentivité : voix occultes ou occultées ?

On pourrait penser qu’écrire “sous dictée céleste” revient à perdre son agentivité, à se soumettre ou à s’effacer. Mais comme le montre Stéphanie Peel, la réalité est sans doute plus complexe : l’effacement peut être une ruse, et l’humilité stratégique une condition d’existence. Chez les autrices médiums du XIXe siècle, l’auto-dépréciation ne relève pas nécessairement d’un manque de confiance : elle fonctionne comme un masque. Se dire réceptacle passif, canal, sténographe d’un Esprit, permet de se défaire de toute prétention littéraire, et, ce faisant, de s’autoriser à écrire.

Cette posture d’humilité, loin d’être un simple effacement, devient une manière de négocier une place dans un double champ, littéraire et spirite, peu hospitalier aux femmes. “Stratégie ou autosabotage ?” interroge Stéphanie Peel. Dans les préfaces ou les notes, les femmes médiums recourent souvent à l’autocritique, comme pour anticiper les reproches. Elles adoptent une position défensive capable de désamorcer les jugements, conscientes de la fragilité de leur légitimité. À titre d’exemple, Peel évoque Honorine Huet, qui publie en 1874 Les Mémoires de deux esprits, leurs diverses existences, racontées à sa mère par Raoul d’A** âgé de deux ans*. Elle y prévient ses lecteurs, se disant elle-même surprise par l’expérience qu’elle a vécue. Mais cet étonnement affiché est moins naïveté que stratégie pour détourner l’exigence de légitimation qui pèse sur les femmes qui écrivent.

Car il faut bien écrire à partir de quelque part : selon quelle théorie, sous quelle autorité, dans quelle filiation ? Hélène Cixous le rappelait en 1976 : “L’idée d’où on écrit, c’est-à-dire en se basant sur quelle littérature, sur quelle référence intellectuelle, une femme, plus qu’un homme, on lui demande tout de suite au nom de qui elle parle, à partir de quelle théorie ; qui est son maître et d’où elle vient ; bref il faut qu’elle salue… qu’elle montre ses papiers d’identité.” Dans ce contexte, la posture médiumnique peut être l’un des moyens de déjouer l’exigence de filiation. Peut-être qu’en s’effaçant derrière une voix d’outre-tombe, l’autrice échappe à la question du maître ou de la théorie. Elle ne parle pas “au nom de”, mais “par” un autre, et ce détour par l’au-delà contourne les structures de légitimation traditionnelles : écrire depuis un ailleurs qui, paradoxalement, autorise à écrire.

Document publié à la fin du livre Les voix invisibles : Médiumnité féminine, ou le pouvoir d'écrire, Stéphanie Peel

Habiter le “je” ?

Nombre de mes échanges avec Constant Spina, ami et auteur pour qui j’ai eu un rôle d’éditrice, parlent de pratiques d’écriture. Comprendre l’envers d’un texte et le travail qui se joue derrière une publication finie l’a même mené à créer un podcast dédié sur son média Manifesto XXI, Sides notes. Nous avons notamment abordé le sentiment diffus, que certain·es auteur·ices ont déjà pu vivre, d’écrire un texte dont nous n’avions pas l’impression d’en être à l’origine, depuis un ailleurs pourtant puisé en soi. « Est-ce vraiment moi qui ai écrit ça ? » - une écriture qui se déroulerait presque hors d’une volonté propre, presque un sentiment d’imposture de ne plus être sûre de comment on en est arrivé·e là. Cet échange en tête, je lui ai demandé de me reparler de son rapport à l’écriture, que je sais mystique et viscéral.

Je ne sais pas si je parlerais vraiment de transe, qui a un sens spirituel bien précis. C’est plutôt une forme de lâcher prise total, peut-être de dissociation, que je sais comment provoquer. Des musiques et fréquences précises, des moments de silence ou de prière. Je trouve mes rituels pour faire advenir cela et me mettre moi-même dans cet état.”

Pour comprendre comment ces réflexions ont pris de l’importance, voici quelques éléments de contexte. Lors de l’écriture de son premier livre, l’essai Manifeste pour une démocratie déviante, je me souviens avoir insisté auprès de Constant qui avait achevé son manuscrit, mais pas encore son introduction : « Pour un tel sujet qui parle de démocratie et de fascisme, tu dois expliquer qui tu es et pourquoi tu écris ce livre. » Je lui recommande de parler « je », de se situer. L’écriture de cette introduction est, me dit-il, très difficile. Elle est même douloureuse. Il parle de son enfance, de vulnérabilités, de cet enfant qui est un tout : « J’étais les éléments, les arbres, j’étais queer ». Quelques jours plus tard, Constant tombe dans le coma - ne pouvant pas m’empêcher de penser que l’achèvement de ce livre était corrélé. En attente d’une greffe du cœur, il demande qu’on ne l’attende pas pour publier le livre. Et il survit. Lorsque je le retrouve en réanimation après plusieurs semaines de coma, je suis à la fois émue et hilare : je découvre Constant assis sur un fauteuil, annotant le manuscrit qu’il a fait imprimer. Il me pitche littéralement un nouveau projet d’écriture : l'histoire d’un personnage, Thésée, d’une “lettre infinie” qui se déroule en Sicile, sa terre natale. Son premier roman est en train de naître, Lettre infinie. Je lui demande si cette idée vient de son expérience de mort imminente.

“Je pense que la clé, c’est la dépersonnalisation. J’ai remarqué ça, quand j’étais dans le coma : tu sors de ta personnalité et tu n’es plus que conscience. Le lien avec mon expérience de pré-mort est assez simple : c’est une expérience de dépersonnalisation qui a duré plusieurs mois pendant laquelle je n’étais pas sûr de qui j’étais. Tu es juste une entité qui n’a plus d’attributs individuels précis. Cette idée d’être un centaure mi-humain mi-fantôme, de ne plus être tout à fait certain d’être quelqu’un - mais plutôt une entité. Concrètement, cela m’a amené dans des états d’altération de conscience vraiment extrêmes, à un retour à l’enfance. Lettre infinie naît de ça. En réalité, ce sont des textes sont des souvenirs que j’avais déjà écrits enfant. Je me suis dit : « tout ce que j’ai été n’a pas de sens, je suis exactement l’enfant qui n’était non pas un humain mais un xénogenre, une entité qui n’avait ni genre, ni biologie précise » - ça vient vraiment de cette faille.”

Cette manière d’écrire dans ou depuis une altération rappelle les mots de Gloria Anzaldúa, qui a défini son écriture comme un espace liminal et chamanique. Une interface traversée par des visions : “Quand je crée des histoires dans ma tête, c’est-à-dire quand je laisse les voix et les scènes se projeter sur l’écran de mon esprit, je “transe”. Longtemps, j’ai pensé que je devenais folle ou que j’avais des hallucinations. Mais je me rends compte maintenant que mon travail, ma vocation, est de me livrer au trafic d’images.

Remedios Varo, "Papilla estelar", 1958. Coll. FEMSA, Monterrey, México.

Voix démultipliées

Parler des mécaniques d’écriture qualifiées de médiumniques, dissociatives, viscérales, ouvre en réalité la porte vers une analyse plus politique et bien plus vaste et fluide de l’écriture de soi. Les luttes féministes ont largement insisté sur l’importance de reprendre le “je”, de le revendiquer, pour s’arracher au silence, au regard masculin, pour nommer son corps, son histoire, son existence. Partir de soi comme entité unique est nécessaire mais ne suffit pas : encore faut-il dépasser l’individualisme pour inscrire ce “je” dans une conscience collective, intersectionnelle, décentrée. Une subjectivité qui ne s’épuise pas dans l’expérience intime, mais qui se relie à d’autres corps, d’aux autres récits, entre transmissions souterraines et héritages partagés.

Au fil de notre échange, comprenant mon obsession du moment pour ce qui se joue derrière le “je” - toutes les influences, filiations et généalogies qu’il contient, Constant me recommande de lire Karen Barad, physicienne et théoricienne féministe. Dans Meeting the Universe Halfway, elle introduit le concept d’“intra-action”, qui se distingue de l’“interaction” classique : là où l’interaction suppose des entités déjà formées qui entrent en relation, l’intra-action pense que les entités émergent ensemble au sein de la relation. Il n’y a donc pas de “je” fixe qui précéderait l’acte d’écrire : le sujet se constitue avec, dans, et par les liens, les gestes, les affects et le contexte qui le traversent. Comment alors rendre justice à toutes ces influences, y compris les plus discrètes ? Ces idées semées par hasard, par une coïncidence, un mot lâché au détour d’une conversation et dont l’auteur·rice ne connaîtra jamais l’effet. L’écriture devient un processus relationnel, situé, enchevêtré, où s’élaborent des subjectivités multiples — et non l’expression d’un moi autonome. “Je” est constamment traversé·e et transformé par les autres, les vivant·es et les mort·es, les récits oubliés. “Je” est un nœud de relations, et non une propriété individuelle.

C’est ce que déploie sous un autre angle Trinh T. Minh-ha, autrice, réalisatrice et théoricienne de la littérature, dont j’ai lu la traduction de Femme, indigène, autre - Écrire le féminisme et la postcolonialité (éditions B42). Elle y propose une autre cartographie de l’écriture, une manière de décoloniser les notions de sujet, d’auteur·ice, de voix. Chez elle, l’écriture prend la forme d’une spirale : le "je" n’est jamais figé dans sa conception occidentale, mais toujours situé, mouvant, traversé par des voix multiples - de la mère, de la communauté, de la mémoire coloniale - en distinguant le “je” du “JE” : 

 “Ainsi, “JE” n’est ni un sujet unifié, ni une identité fixe. JE, en soi, n’est que strates infinies. Malgré nos sempiternelles tentatives désespérées de séparer, contenir, rapiécer, les catégories échappent toujours”. Ce à quoi elle ajoute “Je dis que j’écris quand je perds la parole, quand je perds tout contrôle d’elle et que je la laisse tracer son chemin propre. Ma présence ne sert qu’à lui offrir un autre canal. Pourquoi considérer les aspects individuels sous-jacents aux notions “écrivain·es” ou “auteur·ices” comme les projections d’un individu isolé, plutôt que comme la conséquence de notre manière courante de nous emparer des textes ? Car l’écriture, comme un jeu qui brave ses propres règles, est une pratique ininterrompue qui ne vise pas à faire exister un “moi” dans le langage, mais à ouvrir une brèche dans laquelle le “moi” disparaît, pendant que le “Je” existe par intermittence.”

Des voix occultes, le prolongement s’impose vers les voix occultées. L’une comme l’autre ne sont pas de simples curiosités historiques ou ésotériques : elles nous parlent des limites d’une rationalité patriarcale et occidentale, celle d’un “je” cloisonnant. Rationnels ou non, il existe bien des mondes au-delà de ce “je”, comme une invitation à accueillir la complexité des nos subjectivités, à écouter les voix qui dérangent, à reconnaître que l’écriture est aussi un espace en perpétuelle transformation, des autres et de soi.

Femme, indigène, autre - Écrire le féminisme et la poscolonialité, Trinh T. Minh-ha, éd. B42

Cités dans l’article : 

  • Stéphanie Peel, Les voix invisibles. Médiumnité féminine ou le pouvoir d’écrire, éditions MagiCité, 2025.

  • Hildegarde de Bingen, génie cosmique, série documentaire, France Culture.

  • Trinh T. Minh-ha, Femme, indigène, autre – Écrire le féminisme et la postcolonialité, trad. française, éditions B42, 2023.

  • Karen Barad, Meeting the Universe Halfway: Quantum Physics and the Entanglement of Matter and Meaning, Duke University Press, 2007.

Ce que je n’ai pas cité (car l’article était déjà trop long) :  

  • Monique Wittig, Le Corps lesbien, éditions de Minuit, 1973.
    Elle y invente le « j/e », pour court-circuiter le genre et ouvrir une voie d’écriture dégenrée.

  • Starhawk, notamment dans Rêver l’obscur - Femmes, magie et politique, qui propose la notion de « pouvoir du dedans » (éd. Cambourakis).

  • Jennifer Higgie, The Other Side: A Journey into Women, Art and the Spirit World, Weidenfeld & Nicolson, 2023.

  • ORLAN, entretien dans CENSORED 01 – Command and Control, où elle remplace le « je » par le « nous » dans l’un de ses textes.

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